Porte ouverte chez... Jean-Jacques Rousseau

C'est à Montmorency, en région parisienne, que Rousseau a posé ses valises durant quelques années, et qu'il rédigea notamment son célèbre "Contrat social". La maisonnette où vécut le philosophe des Lumières est aujourd'hui un musée, ouvert au public.

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Porte ouverte chez... Jean-Jacques Rousseau© bienchezsoi.net

Cinq ans. C'est le temps que Jean-Jacques Rousseau a passé dans cette jolie petite maison dans l'Oise. Le "petit Mont-Louis", comme on l'appelle, est un havre de paix dans ce village à quelques encablures de Paris. A l'époque, seule existe la partie gauche de la demeure, les extensions datant de 1860.

Un homme en fuite

La vie de Rousseau n'aura pas été un long fleuve tranquille. Orphelin de mère dès sa naissance en 1712, il est abandonné par son père qui fuit la justice. Le garçonnet grandit en Suisse où il est placé en apprentissage et, confronté à la maltraitance, il prend la poudre d'escampette à 16 ans, pour la Savoie. Après un séjour à Lyon, Venise et Paris, où il exerce plusieurs métiers, il déserte la capitale, "ville de fumée, de bruit et de boue" pour s'installer dans l'Oise, hébergé dans une demeure appartenant à Madame d'Epinay. Mais celle-ci congédie son protégé après une déconvenue sentimentale.

C'est là qu'en 1757, il trouve refuge au petit Mont-Louis, propriété de Jacques Mathas, un procureur fiscal. Rousseau se satisfait de cet endroit bucolique, aspirant à une vie calme et simple. Mais la trêve ne sera que de courte durée : il lui faudra bientôt faire ses bagages pour quitter le pays...

Le calme de la nature

Maison Rousseau
En attendant, la vie s'écoule doucement dans cette maisonnette délabrée que Rousseau loue pour un prix modique (pour lui, la propriété privée est l'origine du mal). Devant de telles conditions de vie, son propriétaire entreprend d'importants travaux de rénovation. La modeste demeure comprend trois pièces : une cuisine et une chambre au rez-de-chaussée, une deuxième chambre à l'étage. Un petit jardin jouxte le bâtiment. L'homme de lettres fait aménager une allée de tilleuls, au bout de laquelle il installe une table et des bancs en pierre, son "cabinet de verdure" où il aime flâner et se découvre une passion pour la botanique.

La cuisine, rustique mais fonctionnelle

Maison Rousseau
La pièce, des plus sobres, offre un confort minimum mais suffisant : une petite table et ses deux chaises, un vaisselier, une large cheminée avec crémaillère et de nombreux objets du quotidien. Aujourd'hui, le mobilier de Rousseau a disparu, mais les meubles et accessoires ont soigneusement été reconstitués grâce à un inventaire établi par l'écrivain lui-même.

Maison Rousseau
Rousseau, ancien protestant devenu catholique, désire vivre dans l'austérité, voire un certain dénuement. Dans cette cuisine campagnarde, les deux couverts dressés témoignent de la relation privilégiée qu'entretient le philosophe avec sa "gouvernante".

La chambre de Thérèse

Maison Rousseau
Car Rousseau vit à Montmorency avec Thérèse Levasseur. Alors qu'il la rencontre à Paris, il lui affirme : "Je ne vous abandonnerai jamais, mais je ne vous épouserai jamais". Ils auront cinq enfants ensemble, tous placés à l'hospice des enfants trouvés (l'assistance publique de l'époque). Leur relation devient ensuite platonique mais l'écrivain apprécie cette femme "sensée et affectueuse". Thérèse joue donc le rôle de gouvernante auprès de Rousseau. Dans sa petite chambre, jouxtant la cuisine, on aperçoit un voilage conçu pour garder la chaleur, et au pied du lit, une chaise d'aisance (les toilettes de l'époque).

La chambre de Rousseau

Maison Rousseau
Lors des travaux de rénovation entrepris par Mathas, la pièce est réagencée comme un vrai petit appartement, avec une vaste chambre, une antichambre et une garde-robe. Avec ses murs jaunes et ses tissus verts, la chambre du philosophe essaie de capter le maximum de lumière.

Maison Rousseau
Dotée d'un beau parquet et d'une cheminée, la pièce est assez confortable. On peut y apercevoir la reproduction (au fusain) du célèbre portrait au pastel du philosophe, par Quentin de La Tour. Un petit bureau est installé face à la fenêtre, offrant un panorama saisissant sur la campagne environnante et au loin, Paris. Pourtant, ce n'est pas là que Jean-Jacques Rousseau rédige ses œuvres.

Le donjon, son cabinet de travail

Maison Rousseau
Tout au bout du jardin, une gloriette (petit pavillon dédié au repos) accueille Rousseau pour son travail d'écriture. Durant les deux premières années de son séjour, l'endroit est ouvert au vent, ce qui n'empêche pas l'écrivain de travailler, malgré le froid.

Maison Rousseau
Les travaux de rénovation dotent le pavillon d'une porte et d'une cheminée. Rousseau le nomme alors son "donjon" : chaque jour, il y a travaille deux heures le matin et deux heures l'après-midi. Cet autodidacte n'est pas seulement doué pour les lettres, il est aussi musicien : Rousseau est même le créateur d'un système de notation musicale à base de chiffres, encore utilisé en Chine.

Maison Rousseau
Dans son donjon, Jean-Jacques Rousseau aime se retirer pour travailler. Il y rédige "Julie ou La nouvelle Héloïse", mais aussi "Le Contrat social" (qui défend l'idée de la souveraineté du peuple) et son traité pédagogique "Émile ou De l'éducation" (prônant une religion naturelle) s'attirant ainsi les foudres du Parlement. Les élans de liberté et d'égalité de Rousseau lui valent un décret d'arrestation, qui laisse entrevoir sa détention imminente.

Un humaniste poussé à l'exil

Maison Rousseau
En juin 1762, son ami le maréchal de Luxembourg envoie son serviteur réveiller Rousseau en pleine nuit, pour lui suggérer de prendre la fuite. Le philosophe hésite mais poussé par ses proches, il accepte de faire ses bagages et monte seul dans une calèche. Sur la route, il croise les huissiers mandatés pour l'arrêter. Il s'éloigne alors rapidement de sa petite maison qu'il ne reverra jamais.

Exilé en Suisse, puis en Angleterre, Jean-Jacques Rousseau finira par revenir en France, en 1769. Fatigué et isolé, il meurt subitement à Ermenonville neuf ans plus tard. Il est d'abord enterré dans le parc du château, avant que ses cendres ne soient transférées au Panthéon, en 1794. Entre-temps, son "Contrat social" a inspiré un autre texte : la Déclaration des Droits de l'Homme.

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