La maison multicolore des Ndébélés d'Afrique du Sud

On trouve pléthore d'habitations originales, voire bizarres, dans le monde. Chaque culture modèle ses maisons selon ses impératifs climatiques, ses religions ou sa propre conception du confort. La maison des Ndébélés en Afrique du Sud est aussi particulière qu'attirante, car c'est une œuvre d'art. En effet, elle est entièrement peinte. Et cette mission revient exclusivement aux femmes du foyer.

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La maison multicolore des Ndébélés d'Afrique du Sud

Choisir la teinte du crépi de votre maison est un casse-tête ? Et si vous décidiez de la recouvrir en peignant des motifs géométriques colorés ? C'est ce que font les femmes Ndébélés, une tribu d'Afrique du Sud. Le résultat est surprenant et bluffant. Autant dire que dans leurs Imuzis, autrement dit leurs villages, la vie n'est pas terne. Et pourtant, cela ne semble pas leur poser autant de souci que nos décorations occidentales, qu'elles trouveraient assurément très ternes. Voici l'histoire de l'art artisanal ancestral des Ndébélés.

Chez les Ndébélés, tout est très coloré

Les femmes Ndébélés, responsables de la décoration de leur habitation, ne se contentent pas d'habiller les murs ! Les bijoux en perle autant que les tenues vestimentaires ont des teintes tout aussi vives. Les motifs sont d'ailleurs inspirés des parures qu'elles fabriquent. Nous les connaissons, elles inspirent notre style ethnique. Même s'il est malheureusement parfois mis un peu à toutes les sauces, il offre à nos intérieurs toute la gaité exotique et colorée de l'Afrique.

Vous visitez un village de la tribu Ndébélé ? Vous serez accueilli par de charmantes hôtesses aux chapeaux perlés multicolores et drapées de couvertures de gala. Autre chose vous frappera, les lourds anneaux qu'elles portent au cou : ce sont en effet ce que l'on appelle des "femmes-girafes". Au total, leurs parures peuvent peser une vingtaine de kilos !

La maison, une œuvre d'art aux motifs géométriques

Chez les femmes Ndébélés, chaque étape dans la vie est sujette à rituels décoratifs spéciaux. Et après les épousailles, ce sont elles qui sont chargées de peindre l'habitation. La polygamie étant encore de mise aujourd'hui, elles sont souvent à plusieurs. Les motifs ne couvrent pas uniquement les murs extérieurs, mais également les portes et parfois l'intérieur du logement. Ce savoir ancestral est transmis de mère en fille depuis des générations. Avant l'arrivée de la peinture acrylique, seuls les pigments naturels étaient utilisés. Ces teintes n'étant pas permanentes, il était nécessaire de rafraîchir les motifs après chaque saison des pluies.

Un savoir-faire mondialement reconnu

L'art des femmes Ndébélés est connu à l'international. Esther Mahalangu en l'une de ses meilleures ambassadrices. Née en 1935, elle a contribué à conserver le patrimoine de ses ancêtres. Elle a d'abord été employée au village historique de Botshabelo, un musée en plein-air entièrement consacrée à la culture des siens. En 1989 (année du bicentenaire de la Révolution française) elle participa à la prestigieuse exposition "Magiciens de la Terre" au Centre Georges Pompidou à Paris, durant deux mois. La firme automobile BMW lui commanda ensuite une "African Art Car", un modèle BMW 525i exposé au National Museum of Women in the Arts à Washington en 1994. Plusieurs autres commandes et expositions suivront, mettant en avant la culture Ndébélé. Mais rien ne la détourne de son pays et ses origines. Installée dans la région de Middelburg, elle s'assure de transmettre aux jeunes filles d'aujourd'hui la peinture et les compositions de perles.

maison ndébélé

Une histoire de survie pour cette tribu Zouloue

Si, aujourd'hui, l'art Ndébélé est plutôt considéré comme un art pictural ethnique et que le tourisme a quelque peu galvaudé les traditions, les origines de celui-ci méritent d'être connues. Les Ndébélés sont des Zoulous. Autant dire une nation guerrière. Entre victoires et défaites, ils furent durant des décennies en lutte avec plusieurs de leurs voisins, les plus redoutables étant les colons boers. À l'instar des Chinoises qui élaborèrent la seule écriture au monde créée par des femmes (le Nüshu), dans le but de soustraire leurs conversations aux yeux des hommes et pouvoir échanger en paix, les femmes des tribus Ndébélés furent tout aussi ingénieuses. Durant les périodes d'oppression, elles ont élaboré une expression symbolique afin de communiquer entre elles/eux. Les murs parlaient, au sens propre du terme. L'habitude s'était installée et fut considérée comme une forme de résistance culturelle. Les qualités des motifs géométriques indiquent les qualités des maîtresses des lieux. Et leur assurance.

Où aller pour découvrir ces huttes uniques ?

Si d'autres tribus Zouloues décorent quelque peu leur lieu de vie, l'esthétique du logis Ndébélé reste unique en son genre. Et, contrairement à certaines autres habitations étranges, sa renommée ne doit rien à la bizarrerie, mais assurément à l'esthétique. Pour autant, hors de question de troubler la quiétude des habitants en pénétrant dans leurs demeures. Tout au plus pouvez-vous admirer en passant les villages situés dans les provinces de Gauteng et du Mpumalanga près de Pretoria, au Nord-Ouest de l'Afrique du Sud. Notamment la petite cité de Siyabuswa, où vous trouverez le Village culturel de Kghodwana. Toujours dans le Mpumalanga, vous pourrez également explorer le village de Botshabelo, précédemment évoqué. Il se situe sur la commune de Middelburg. C'est une façon éthique de partir à la découverte de leur incroyable talent artistique, sans perturber leur quotidien.

Si vous vous rendez en Afrique du Sud et avez toujours été attiré par l'art ethnique, il exprime ici le meilleur, à tous les niveaux. Une myriade de couleurs, un savoir-faire étonnant et la sympathie des hôtesses auront tôt fait de vous séduire. Si les safaris dans le Parc Naturel Kruger par exemple sont plus renommés, il y a d'autres lieux qui méritent vraiment votre visite.

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